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Crébillon fils: Récit à la première personne, désir et libertinage
« Ce qu’alors les deux sexes nommaient amour était une sorte de commerce où l’on s’engageait, souvent même sans goût, où la commodité était toujours préférée à la sympathie, l’intérêt au plaisir, et le vice au sentiment.
On disait trois fois à une femme qu’elle était jolie, car il n’en fallait pas plus : dès la première, assurément elle vous croyait, vous remerciait à la seconde, et assez communément vous en récompensait à la troisième.
Il arrivait même quelquefois qu’un homme n’avait pas besoin de parler, et, ce qui, dans un siècle aussi sage que le nôtre, surprendra peut-être plus, souvent on n’attendait pas qu’il répondît.
Un homme, pour plaire, n’avait pas besoin d’être amoureux : dans des cas pressés, on le dispensait même d’être aimable.
La première vue décidait une affaire, mais, en même temps, il était rare que le lendemain la vît subsister ; encore, en se quittant avec cette promptitude, ne prévenait-on pas toujours le dégoût.
Pour rendre la société plus douce, on était convenu d’en retrancher les façons : on ne la trouvera pas encore assez aisée ; on en supprimera les bienséances.
Si nous en croyons d’anciens mémoires, les femmes étaient autrefois plus flattées d’inspirer le respect que le désir ; et peut-être y gagnaient-elles. À la vérité, on leur parlait amour moins promptement, mais celui qu’elles faisaient naître n’en était que plus satisfaisant, et que plus durable. » (GF p. 71-72)